La Revue du M.A.U.S.S.
(Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales)

 La Bibliothèque du M.A.U.S.S. (1/5) :
BOILLEAU Jean-Luc, 1995, Conflit et lien social. La rivalité contre la domination
CAILLÉ Alain, [1994] 2005, Don, intérêt et désintéressement. Bourdieu, Mauss, Platon et quelques autres.
CARVALHO Genauto et DZIMIRA Sylvain, 2000, Don et économie solidaire. Esquisse d'une théorie socioéconomique de l'économie solidaire
CÉFAÏ Daniel, 2003, L'Enquête de terrain
CHANIAL Philippe, 2001, Justice, don et association. La délicate essence de la démocratie
(COLLECTIF), 2004, Les raisons de la ruse. Une perspective anthropologique et psychanalytique

Conflit et lien social
La rivalité contre la domination
Jean-Luc BOILLEAU,
204 p., 145 F, 22,11 euros

     Agôn, c’est la lutte, le concours, la rivalité dans tous les domaines, l’opposition. Mais c’est aussi le lien qui unit les adversaires. Agôn, c’est encore la gratuité, le combat pour la gloire, c’est-à-dire pour rien. Du point de vue agonistique, être humain signifie simplement refuser de se soumettre à quoi que ce soit, d’abdiquer devant l’autre comme devant la nécessité. En Agôn, pour conjurer la domination, les combattants rivalisent, en face-à-face, avec tout ce qui prétend s’imposer.
     Des fastes de l’Agôn immémorial, seul le sport témoigne aujourd’hui. C’est que loin de constituer une invention récente, comme on nous le dit partout, il atteste de la persistance d’un universel anthropologique dont il serait bon que nous acceptions de nous souvenir si nous voulons comprendre quelque chose aux explosions qui touchent les banlieues et à l’éclatement des États qui semblaient hier encore indestructibles. Et si nous voulons renouer avec une conception du politique selon laquelle, parce qu’il est placé au milieu du cercle formé par les rivaux, le pouvoir est inappropriable et inoccupable.
     Dans ce livre, qui surprend parce qu’il échappe à tous les genres constitués, l’auteur nous entraîne dans un voyage en Agôn. Étrange Odyssée au cours de laquelle on rencontre, sur des ilôts agonistiques battus par les flots de la pensée rationnelle, des guerriers ossètes et des loubards de banlieue, Achille et Cantonna, Héraclite et Bourdieu, Socrate et Mauss, Platon et Cassius Clay.

Jean-Luc BOILLEAU, collaborateur du M.A.U.S.S. et auteur de nombreux articles sur le sport et la rivalité, est né en 1948 à Casablanca. Docteur en sociologie, il enseigne celle-ci à l’université de Perpignan et la philosophie au lycée Arago de cette même ville. Il a été international de judo à la fin des années soixante.


Don, intérêt et désintéressement
Bourdieu, Mauss, Platon et quelques autres
Alain CAILLÉ
352 p., 28 euros
ISBN 2-7071-4496-7

     « S’il valait, je crois, la peine de rééditer le présent livre, épuisé depuis plusieurs années, c’est parce que les articles qu’il rassemble et notamment les trois textes principaux – la critique de Pierre Bourdieu, la relecture de La République de Platon et la réflexion sur le don, l’intérêt et le désintéressement (et sur Derrida…) – correspondent à des moments charnières dans la réflexion du MAUSS (Mouvement antiutilitariste dans les sciences sociales). Avant l’explicitation d’un “paradigme du don” (ici esquissé), qui aura été le travail principal des dix dernières années de La Revue du MAUSS, il fallait s’expliquer en profondeur sur ce qui fait problème dans l’“axiomatique de l’intérêt” et dans l’utilitarisme ou, à l’inverse, dans l’an-utilitarisme d’un Jacques Derrida. C’est que la recherche d’un don absolument pur et désintéressé est aussi illusoire et démobilisatrice, pour la pensée comme pour l’action, que la réduction de toute action aux calculs intéressés qui sont censés l’inspirer. Ce n’est qu’une fois clairement prémuni des séductions de ces deux frères ennemis qu’il est possible de commencer à avancer pour de bon. »
     A. Caillé.

     En tant qu’hommes et femmes modernes nous nous trouvons écartelés entre deux séries de certitudes et d’exigences parfaitement inconciliables. D’une part, notre époque nous pousse impérieusement à croire que rien n’échappe à la loi toute puissante de l’intérêt et qu’il nous faut nous-mêmes nous y plier en devenant des « calculateurs » avisés. D’autre part, nous aspirons tous à nous y soustraire pour accéder enfin à cette pleine générosité, à ce don pur et entier, que la tradition religieuse dont nous sommes issus nous enjoint de rechercher. Mais c’est là une tâche impossible, rétorque la première croyance pour qui rien n’échappe au calcul, si bien qu’il ne saurait exister de générosité et de don que mensongers.
     Pour Alain Caillé, la question est mal posée. L’examen, à travers deux de ses plus grands représentants (Platon, P. Bourdieu), de ce qu’il appelle « l’axiomatique de l’intérêt » ; celui, à l’inverse, des caractérisations du don par une impossible et inaccessible pureté (J. Derrida), révèle la profonde solidarité qui unit les deux pôles de l’esprit moderne, et incite à chercher, dans le sillage du Marcel Mauss de l’Essai sur le don, une conception du don plus harmonieuse et raisonnable. Rien n’est sans doute en effet plus urgent si nous voulons penser notre temps, scientifiquement et moralement, à égale distance du cynisme et de l’idéalisme.

Alain CAILLÉ, né en 1944, professeur de sociologie à l’université Paris-X-Nanterre, où il dirige le GÉODE (Groupe d’étude et d’observation de la démocratie), est le directeur de La Revue du MAUSS. Il est notamment l’auteur de : Anthropologie du don. Le tiers paradigme (Desclée de Brouwer, 2000) ; Histoire raisonnée de la philosophie morale et politique (sous la dir. de A. Caillé, Ch. Lazzeri et M. Senellart, La Découverte, 2001) ; Dé-penser l’économique. Contre le fatalisme (La Découverte/MAUSS, 2005).


Don et économie solidaire
Esquisse d'une théorie socioéconomique de l’économie solidaire
par Genauto Carvalho et Sylvain Dzimira, 112 p., 50 F, 7,62 euros
Hors-série de La Revue du MAUSS

     À l’heure d’une mondialisation qui, pour le meilleur ou pour le pire, semble devoir tout emporter sur son passage, il est urgent de rappeler que le lien social ne peut pas être fondé exclusivement sur l’utilitarisme. Et que, même en matière d’économie, à côté du principe marchand, il faut faire place à la logique de la redistribution comme à l’esprit de la réciprocité. En s’inspirant des travaux des courants de pensée qui se réclament de l’économie solidaire et du M.A.U.S.S. (Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales) G. Carvalho et S. Dzimira donnent ici les moyens d’analyser les modes d’articulation nécessaires entre marché, État et don.

   « Il manquait un texte pédagogique de synthèse fixant les grands axes et les lignes de force de l’économie solidaire et du paradigme du don. Le voici. Que les auteurs en soient remerciés » (A. Caillé, J.L. Laville, Préface).


L’enquête de terrain
Textes réunis, présentés et commentés par Daniel Céfaï, 624 p., 39 euros
ISBN 2-7071-4072-4

    Des journalistes aux travailleurs sociaux en passant, bien sûr, par les ethnologues ou les sociologues, on ne compte plus les professions amenées à recourir à l’enquête de terrain. Qu’observer ? Comment ? Que restituer de ce qu’on a vu ? Sous quelle forme ? Pour répondre à ces questions, il ne manque pas de guides ou de manuels. Mais le mieux n’est-il pas d’écouter directement ce qu’ont à nous dire certains de ceux qui ont compté parmi les meilleurs enquêteurs de leur temps ? À les lire, ces questions de méthode, qui paraissent souvent si arides et ennuyeuses, deviennent soudain passionnantes.
     L’Enquête de terrain rassemble une série de textes, pour la plupart classiques et jamais traduits en français, sur le travail de terrain en sociologie et en anthropologie. La première partie donne un aperçu de l’invention du travail ethnographique en Grande-Bretagne, jusqu’à la révolution malinowskienne, et sur la pratique de l’enquête des chercheurs de l’école de sociologie de Chicago et du Rhodes-Livingstone Institute en Rhodésie. La deuxième partie est consacrée aux principaux moments de la querelle de l’explication et de l’interprétation en anthropologie. La troisième présente un choix d’expérimentations et d’innovations en sociologie, des années 1950 à aujourd’hui.
     Chacune de ces parties s’accompagne d’une présentation qui en situe le contexte historique et intellectuel et permet au lecteur de se repérer parmi les différents auteurs et courants. Une éclairante postface, véritable guide d’enquête à elle seule, fait le tour des problèmes discutés dans la littérature méthodologique et offre un vaste panorama des recherches empiriques fondées sur le travail de terrain en France et à l’étranger.
     Mieux qu’un manuel, L’Enquête de terrain couvre ainsi un siècle de réflexion sur le travail de terrain. Il s’adresse aux étudiants et aux chercheurs en sciences sociales et à tous les professionnels qui recourent à ces outils d’investigation.

DANIEL CÉFAÏ, né en 1961, auteur de plusieurs ouvrages et notamment, sous sa direction, Les Cultures civiques (PUF, 2001), est maître de conférences en sociologie du politique à l’université Paris X-Nanterre et chercheur associé au GÉODE (Paris X), au CURAPP (Amiens) et au CEMS (EHESS). Il a effectué de nombreux séjours dans les universités américaines, italiennes ou brésiliennes.
Avec des textes de : John A. Barnes, Howard Becker, Michael Burawoy, Aaron V. Cicourel, James Clifford, Robert Emerson, Clifford Geertz, Raymond Gold, Martin Hammersley, Jennifer Platt, George W. Stocking, Anselm Strauss et Juliet Corbin, James Urry, Peter Winch.


Justice, don et association
La délicate essence de la démocratie,
par Philippe Chanial, 384 p., 177,11  F, 27 euros

     Peut-on penser et rendre effective l'exigence de la justice et de la démocratie en faisant l'hypothèse que nous sommes tous essentiellement des calculateurs impénitents, avant tout soucieux de leur seul intérêt personnel ? Oui, répond le libéralisme contemporain qui, de John Rawls à John Harsanyi ou David Gauthier s'efforce de dessiner les traits d'une juste démocratie réduite à des règles de coexistence pacifique entre ces sujets « mutuellement indifférents », si caractéristiques de l'actuelle société de marché. Non, objectent les « communautariens » et les républicains, qui en appellent à la nécessité d'une conception du bien commun partageable par tous, au risque de sembler vouloir ressusciter le fantôme de la société close d'antan
     Tout en soumettant la théorie politique contemporaine à un examen aussi pédagogique qu'exigeant, Philippe Chanial montre comment nombre des débats actuels les plus cruciaux et des écueils sur lesquels ils achoppent, trouvent leur solution dans une tradition de pensée trop oubliée mais si près de renaître aujourd'hui : l'associationnisme civique, qui a constitué l'une des matrices principales de la pensée politique et des sciences sociales du XIXe siècle et du premier tiers du XXe siècle (au moins en France et aux États-Unis). Sous cet éclairage inédit, Tocqueville, Saint-Simon et Pierre Leroux, Jaurès, Durkheim ou John Dewey apparaissent unis par une commune intelligence de ce que Marcel Mauss appelait la « délicate essence » de la cité.
Cet associationnisme civique, constellation assurément hétéroclite, vient nous rappeler qu'il existe une forme de bonheur dont la raison libérale et utilitaire est incapable de rendre compte, ce bonheur public que nous éprouvons dans l'engagement civique et associatif. Ce livre qui marque sa redécouverte devrait parler en profondeur tant aux philosophes, aux politistes ou aux sociologues qu'aux militants associatifs.

Philippe CHANIAL, 33 ans, maître de conférence en sociologie à l'université de Caen, auteur de nombreux articles, est membre du comité de rédaction de La Revue du MAUSS.


Les raisons de la ruse
Une perspective anthropologique et psychanalytique
(Collectif),
352 p., 32 euros
ISBN 2-7071-4461-4

     Alors même qu‘ils croient poursuivre seulement leurs propres intérêts et leur vouloir singulier, les hommes concourent, selon Hegel, à l'édification d‘une société rationnelle. Telle est la fameuse « ruse de la Raison », qui utiliserait la déraison pour se produire dans le monde. Nous ne pouvons plus être aussi optimistes, mais nous croyons encore que si une société rationnelle et juste pouvait advenir, seules devraient y régner la loi, la raison, la vérité et donc la sincérité. La ruse, le mensonge, la tromperie, la séduction, tout cela devrait disparaître ou, à la rigueur, ne subsister, à titre provisoire, que comme arme des faibles. Une arme pas trop digne...
     Cette vision rationaliste et moralisatrice a sa grandeur. Est-elle bien réaliste ? Pouvons-nous, devons-nous réellement sortir de ce qui a constitué la perspective anthropologique de la majeure partie de l'humanité, habituée à vivre depuis toujours dans le registre de l'ambivalence, de l'incertitude et du malentendu ? Vis-à-vis de nos proches, et d'abord de nous-mêmes, demandent ici les psychanalystes, une certaine duperie de soi, une part d'illusion, la ruse avec soi-même ne sont-elles pas les conditions indispensables à l'édification d'un monde humain vivable ? Ou encore, s'interrogent les philosophes, Mètis, déesse de la ruse, n'est-elle pas la pourvoyeuse première de la phronésis, la sagesse pratique ?
     C'est ce gigantesque continent enfoui de la ruse que font ici ressortir et renaître les anthropologues, psychanalystes et philosophes réunis dans un colloque organisé par le Laboratoire d'anthropologie prospective de l'université de Louvain-la-Neuve, qui, après échanges et discussions, nous font bénéficier du fruit de leurs réflexions.

Avec des contributions de : Guy Bajoit, André Berten, Susan D. Blum, Jean-Pierre Cavaillé, André Corten, Sheila Fitzpatrick, Jan-Lodewijk Grootaers, Sten Hagberg, Gilles Holder, Serge Latouche, Pierre-Joseph Laurent, Paul Mathieu, Frédéric Moens, Olivier Servais, Robert Steichen, Michael Singleton, Anne-Marie Vuillemenot, André Wénin.